La faille du Col d'Ornon
Tectonique synsédimentaire liasique  
 

Tectonique synsédimentaire liasique dans les massifs cristallins de la zone externe des Alpes occidentales françaises la faille du col d’Ornon.

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GÉOLOGIE. — Tectonique synsédimentaire liasique dans les massifs cristallins de la zone externe des Alpes occidentales françaises la faille du col d’Ornon.
Note (*) de Jean-Claude Barféty, Maurice Gidon, Marcel Lemoine et René Mouterde, transmise par Jean Aubouin.

Sur le versant oriental du massif du Taillefer, les lacunes du Trias et du Lias inférieur, ainsi que la présence d’olistostromes toarciens et de discordances sur des paléopentes, résultent du jeu synsédimentaire jurassique (en tout cas au Lias inférieur et au Domérien-Toarcien) d’un important accident méridien distensif.

On the eastern slope of the cristalline pre-triassic Taillefer massif the gap of Triassic and Lower Liassic beds, together with the occurrence of Toarcian olistostromes and of unconformities linked with synsedimentary slopes, indicate synsedimentary, at least Lower Liassic and Toarcian, movements of an important north-south distensive fault.

Terminaison méridionale de la chaîne de Belledonne, le massif cristallin du Taillefer est séparé de celui des Grandes Rousses par la dépression structurale à remplissage sédimentaire de Bourg d’Oisans, qui se prolonge vers le Sud jusqu’au-delà du col d’Ornon (fig. 1). Cette dépression est essentiellement occupée, jusqu’à faible distance du massif du Taillefer, par un puissant Lias calcaire (Hettangien à Carixien); en raison de sa polarité stratigraphique (fig. 3 a), ce Lias calcaire ne peut être que la couverture sédimentaire normale du massif des Grandes Rousses. Par contre, au bord ouest de la dépression de Bourg d’Oisans, la couverture sédimentaire du cristallin du Taillefer est réduite à une mince frange où le Lias calcaire n’est représenté que rarement. Cette disposition très dissymétrique a été interprétée [1] comme le résultat du jeu d’une « faille du col d’Ornon », dont le tracé exact s’est d’ailleurs avéré difficile à préciser [2].

1. LE VERSANT EST DU TAILLEFER RAPPORTS DU CRISTALLIN ET DU JURASSIQUE

Le contact stratigraphique du Jurassique sur le cristallin est souvent attesté par des brèches qui enduisent ce dernier et se diluent le plus souvent vers le haut et latéralement dans des marnes ayant le faciès habituel des formations schisteuses du Domérien-Toarcien de cette partie de la zone dauphinoise. Au droit du village des Siauds de Chantelouve ces marnes à passées de conglomérats nous ont effectivement livré des faunes à Pseudogrammoceras (zone à Thouarcense) et, plus haut, à Dumortiera (zone à Pseudoradiosa) qui permettent de les dater du Toarcien supérieur.

De la latitude d’Oulles à celle du Périer au moins, soit sur près de 20 km du Nord au Sud, ce sont donc des calcschistes toarciens qui, sauf présence sporadique de terrains plus anciens, viennent recouvrir stratigraphiquement le cristallin la bordure orientale du Taillefer est presque partout caractérisée par une lacune stratigraphique du Lias inférieur-moyen et du Trias. Nous allons voir que cette lacune résulte essentiellement d’érosions liasiques.

2. LES « ECAILLES » ET LES CONGLOMÉRATS DU COL D'ORNON : UN OLISTOSTROME LIASIQUE

L’étude de la bordure sédimentaire du cristallin du Taillefer a permis à J. Vernet de montrer l’existence de conglomérats « triasico-liasiques » [3] et la présence d’écailles ([4]-[5]) interprétées par la suite [6] comme résultant d’une « expulsion vers le haut ». Un nouvel examen des affleurements (effectué en particulier par J.-C. B. dans le cadre des levers pour la feuille La Mure au 1/50 000) nous conduit à y reconnaître des témoins d’un olistostrome liasique bien caractérisé. Nous décrirons sommairement trois groupes d’affleurements particulièrement démonstratifs à cet égard :

(a) Les affleurements de la Chalp de Chantelouve. A l’Ouest du village de la Chalp affleurent, en contrebas d’un abrupt de cristallin de plus de 1000 m, plusieurs masses de spilites triasiques; en fait, il s’agit de lames hectométriques à matériel souvent bréchique, empilées avec un fort pendage vers l’Est, et reposant sur des « schistes à blocs » très typiques à matrice de calcschistes du Lias supérieur, au sein desquels elles se terminent en biseau. Ces schistes à blocs contiennent des éléments centimétriques, décimétriques et métriques, plus ou moins roulés, de spilites et de dolomies triasiques, ainsi que des calcaires du Lias inférieur. On a donc affaire ici à des olistolithes emballés dans un olistostrome d’âge toarcien; la disposition de l’ensemble, discordant d’environ 30° sur la surface du cristallin qui plonge actuellement de 70° vers l’Est, suggère une mise en place sur une pente qui était alors inclinée de l’Ouest vers l’Est, donc à partir du Taillefer.

(b) Les affleurements du col d’Ornon. Entre 1360 et 1400 m d’altitude, la gorge du ruisseau du Buo montre la terminaison inférieure d’une lame de spilites interstratifiée dans les calcschistes toarciens; cette lame se dissocie vers le bas en boules et blocs, mêlés de blocs de dolomies triasiques et de calcaires du Lias inférieur, le tout passant vers le Sud à des conglomérats dont les intercalations, métriques à décamétriques, se diluent latéralement dans les calcschistes toarciens ici aussi, nous avons affaire à un olistostrome d’âge toarcien.

(c) Les affleurements de la Grenonière d’Ornon (fig. 2). Entre 1250 et 1400 m d’altitude, la coupe naturelle offerte par les rives du Rif Garçin permet d’observer les faits suivants :
1° du Lias inférieur calcaire repose en discordance angulaire d’environ 30°, avec biseaux stratigraphiques des bancs successifs, sur la surface du cristallin du Taillefer qui pend à 70° vers l’Est; le contact se fait par l’intermédiaire de quelques mètres de brèches à éléments cristallins et dolomitiques (fig. 2 b);
2° ce Lias inférieur est lui-même recouvert par une lame de cristallin (gneiss amphiboliques prédominants) sous laquelle il apparaît en demi-fenêtre sur 300 m de long (fig. 2 a);
3° enfin, le Domérien-Toarcien repose stratigraphiquement (brèches) sur ce cristallin, et, plus à l’aval, sur le Lias inférieur calcaire.
Ainsi sont mises en évidence, d’une part l’existence d’une paléopente (inclinaison originelle de l’ordre de 30° à 40° vers l’Est) datant du Lias inférieur, d’autre part la présence d’un grand olistolithe cristallin mis en place vers la fin du Lias moyen ou le début du Lias inférieur.

    

3. CONCLUSION. L’ACCIDENT PALEOTECTONIQUE DU COL D’ORNON.

Très différente de sa bordure orientale, la bordure occidentale de la dépression structurale de Bourg d’Oisans se caractérise donc par d’importantes lacunes du Trias et surtout de la base de la série liasique, et par des dispositifs sédimentaires qui attestent à la fois l’existence de paléopentes accentuées et une activité tectonique qui s’est poursuivie au moins jusqu’au Toarcien supérieur, et qui a été responsable d’écroulements et de glissements synsédimentaires. Ces faits permettent d’expliquer que des termes élevés de la couverture sédimentaire du cristallin des Grandes Rousses soient situés tout près du socle du Taillefer, sans avoir besoin d’invoquer le jeu post-jurassique (supposé tertiaire) d’une « faille du col d’Ornon ».

De fait, qu’il s’agisse d’une faille, d’une flexure, ou d’une combinaison des deux, cet accident du col d’Ornon existe bien, mais il s’agit d’une structure nettement plus ancienne, synsédimentaire, qui a fonctionné à plusieurs reprises au cours du Lias et qui a prédéterminé, dès cette époque, l’important abrupt par lequel le massif cristallin du Taillefer domine maintenant la dépression structurale de Bourg d’Oisans-col d’Omon (fig. 3).

Il est difficile, dans l’état actuel de nos connaissances, de dire si cet accident a joué continûment ou au contraire par saccades. Nous savons simplement qu’il a déjà fonctionné au début du Lias inférieur (Rif Garçin fig. 2 b) et que le Toarcien correspond à une crise particulièrement importante de son activité tectonique.

A cet égard, l’accident du col d’Ornon prend place dans le système d’accidents synsédimentaires « rhegmatiques » [7] orientés N 0° à N 10° ou N 20°, comme l’accident médian de Belledonne [8], le «linéament» d’Aspres-les-Corps [9] et, plus au Sud, celui de Clamensane [10]. Son fonctionnement parait donc clairement en relation avec la tectonique dite « de distension » connue à cette époque dans les Alpes occidentales, et qui est considérée comme liée au début de l’ouverture océanique téthysienne [11].

(*) Remise le 12 novembre 1979.

[1] J. C. BARFETY, M. GIDON et R. MOUTERDE, Géologie alpine, Grenoble, 46, 1970, p. 23-28.
[2] Carte géologique de la France à 1/50 000, feuille Vizille.
[3] J. VERNET, Trav. Lab. Géol. Grenoble, 40, 1964, p. 251-254.
[4] J. VERNET, Bull. Carte Géol. Fr., 59, n’ 273, 1963, p. 129-138.
[5] J. VERNET, Trav. Lab. Géol. Grenoble, 40, 1964, p. 255-262.
[6] J. VERNET, Géologie alpine, 50, 1974, p. 195-236.
[7] H. ARNAUD, J. C. BARFETY, M. GIDON et J. L. PAIRIS, Comptes rendus, 286, série D, 1978, p. 1335-1338.
[8] J. C. BARFETY, M. GIDON, J. HÀUDOUR et J. SARROT-REYNAULT, Géologie alpine, 46, 1970, p. 5-16.
[9] M. GIDON, J. L. PAIRIS et J. APRAHAMIAN, Comptes rendus, 282, série D, 1976, p. 271-274.
[10] H. ARNAUD, M. GIDON et J. L. PAIRIS, Comptes rendus, 287, série 113, 1978. p. 217-220.
[11] P. Ch. DE GRACIANSKY, M. BOURDON, P. Y. CHENET, O. DE CHARPAL et M. LEMOINE, Bull. Soc. Géol Fr., 1979 (sous presse).

J.-C. B. B.R.G.M., 18, rue du Général-Champon, 38100 Grenoble.
M. G. et M. L. Laboratoire de Géologie alpine associé ou C.N.R.S.,(L A. 69), Institut Dolomieu, 38031 Grenoble Cedex.
R. M. Centre de Paléontologie stratigraphique et Paléoécologie associé au C.N.R.S. (L.A.I.I.), 25, rue du Plat, 69288 Lyon Cedex I.

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